L’article dernier sur l’écriture de l’arbre semble avoir interpelé un bon nombre de personnes.
Comme je le signifiais, l’arbre est un sujet qui, de part sa symbolique, concerne une grande majorité d’entre-nous. Il n’est qu’à voir le succès de l’exposition « Nous les Arbres » présentée par la Fondation Cartier à Paris ; celle-ci devait se terminer le 10 novembre mais se trouve prolongée jusqu’au 5 janvier prochain.
Pour ma part j’ai décidé de consacrer cet article au développement du principe de « l’écriture de l’arbre et du paysage ». Je ne parle pas ici de texte ou de poésie. Il s’agit d’une forme d’écriture qui relève de la calligraphie contemporaine dite « gestuelle ».
Cette discipline est tout d’abord à bien distinguer de celle du dessin. Le dessin pourrait être considéré, au risque de tomber dans une caricature un peu simpliste, comme une démarche intellectuelle et rationnelle. De fait lorsque je dessine, j’observe un objet et je tente d’en réaliser une représentation la plus fidèle possible. C’est bien là une conception du dessin telle que nous la trouvons généralement comme base de l’apprentissage dispensé à l’école ou dans les académies.
Par contre, si je calligraphie un arbre ou une forêt, je commence par en faire un sujet (en opposition à l’objet). L’objet est la chose placée devant nous à une certaine distance nous permettant l’objectivité c’est à dire d’être en mesure de voir la chose telle qu’elle est. Faire de l’arbre ou de la forêt un sujet implique de supprimer la distance qui nous en sépare. Nous l’embrassons afin de fusionner.
En tant que calligraphe je vais plutôt tenter de ressentir. En premier lieu je vais appréhender l’arbre avec mon corps pour ne plus faire qu’un avec lui. Par le travail du souffle et plus particulièrement de l’inspiration abdominale je vais me concentrer sur mes perceptions. C’est une sorte de méditation. Je cherche à percevoir les qualités de l’arbre, ses particularité. Force, immensité, densité, permanence, intemporalité, stabilité, ouverture … C’est peut-être là ce que Malraux voulait signifier en disant que la poésie conduisait à la vraie connaissance. Et lorsque nous sommes dans cet état « con-naissance », lorsque nous résonnons avec le sujet, que nous sommes le sujet, vient le moment de la recréation.
Ce terme est emprunté à la tradition Sumi-e dans laquelle les calligraphes japonnais réalisent des peintures de paysage. C’est le même principe dans la peinture Chan (chinoise) issue de la tradition Zen. En opposition au dessinateur qui représente le sujet, le calligraphe recrée. Tandis que le dessinateur procède par une démarche intellectuelle (calcul, proportion, surfaces, dimensions, et même projet avec intention de satisfaire l’attente figurative du public…), le calligraphe met en œuvre tout son corps dans la perspective d’une expression pouvant aller jusqu’à l’abstraction. C’est le moment de l’expiration. Le souffle est toujours essentiel. Nous ne sommes pas ici sur le mode analytique. Il s’agit plus de l’expression de nos plus profondes perceptions. C’est un mode purement esthétique (Aesthético en grec = ce qui est senti ; aptitude à percevoir) où l’expression gestuelle, insufflée par une expiration abdominale, vient du bas du ventre; la fameuse colonne d’air pratiquée par les chanteuses-eurs et musiciens-iennes soufflants.
Le trait est alors conçu comme un mouvement chorégraphique qui engage tout le corps et tout l’être ; et ce de manière extraordinaire au plan physique car ce procédé permet d’exprimer une incroyable quantité d’énergie avec très peu de force engagée. C’est là ce que l’on trouve dans certain dessin d’enfant non encore formaté par la culture du bon résultat et de la ressemblance. Et c’est aussi ce que Picasso dit avoir souhaité sa vie durant. Il dit : « Après avoir dessiné comme Michel-Ange j’ai toute ma vie cherché à dessiner comme un enfant ».
De manière concrète vous trouverez différents types d’expression calligraphique de paysage dans l’article des actualités du mois précédant.
Mais ce mois-ci je peux vous préciser le style d’écriture pratiqué pour la création de mes cartes de Noël.
Les images 1 et 3 sont respectivement des écritures de paysage et forêt. Avant la mise en couleur (image 2 et 4) qui revient à jouer avec les effets de lumière, le trait est calligraphié. Chaque trait est un geste réalisé d’un unique mouvement contrairement au dessin. Il correspond à une expiration. Et de même sorte qu’une association de lettres forme un mot puis une phrase, l’enchainement des traits se construit pour signifier un ressenti et surtout un rythme. La qualité expressive des courbes est aussi déterminante que les volumes définis par le trait. La composition n’est pas construite selon un mode de calcul des proportions. Elle s’impose, presque malgré moi pourrais-je dire, sous l’autorité du rythme de mes inspirations/expirations.
Et si vous souhaitez en savoir plus et pratiquer l’écriture de paysage cliquez ici pour accéder à la page « Formation » de mon site.