Trois jours de stage en Aveyron, au couvent de Malet, un lieu magnifique et reposant.
En parallèle à une approche classique de l’écriture onciale et du texte, nous aborderons la question de l’expression gestuelle que peut nous inspirer l’arbre. Toujours basée sur la discipline du souffle (inspiration / expression) qui nous permet de mieux canaliser notre mental, la recherche consiste à affiner nos perceptions afin d’aller toujours plus profondément dans l’expression du sujet (texte et arbre)
*L’écriture onciale a fait l’objet d’un article que vous pourrez retrouver dans les actualités du mois dernier en date du 02 octobre dernier
Pourquoi « l’arbre » ?
Il se trouve que l’arbre est l’un des trois éléments, avec l’eau et la roche, qui dans le sumi-e et la peinture chan représentent un sujet d’approche pédagogique idéal à l’initiation de la calligraphie du paysage.
Vous pratiquez la calligraphie chinoise ?
Non ! Je ne prétend pas pratiquer ce type de calligraphie, je suis de culture occidentale et mon langage reste latin. Mais la philosophie du trait dont nous parlent les orientaux et plus précisément le peintre Shitao (citons aussi le témoignage de Robert Faure dans « L’esprit du geste » éditions du Chêne ) est en mesure de nous enrichir quant à notre démarche artistique. Pour eux tout est symbole. Le noir et le blanc, la prise d’encre en relation avec le souffle, l’importance du vide laissé dans l’oeuvre … Pour eux il n’est pas question de se distancier de l’objet d’observation mais, bien au contraire, d’en faire un sujet avec lequel nous entrons en pleine affinité. L’objectivité n’est pas de mise. La subjectivité est au contraire poussée au point de faire principe de com-union entre le regardant et l’objet de son admiration ; Nous parvenons ainsi à une réelle connaissance poétique de l’arbre et du paysage.
Quelle est la place de cette approche dans votre travail ?
Elle est omniprésente dans le sens où j’ai pris l’habitude de tracer au rythme de mon souffle. Lorsque je suis en démonstration (stage, atelier, salon…) c’est grâce au travail sur ma respiration que je peux rester centré sur mon sujet en me préservant des parasites mentaux et des distractions que le monde environnant est susceptible d’induire en moi. Cette discipline du souffle autorise le paradoxe qui consiste à être pleinement présent au geste tout en restant attentif à la demande du public.
Avec les enfants le travail sur le souffle est aussi primordial. Il leur permet de saisir le principe de la démarche artistique. Ils inspirent en prenant de l’encre et en fermant les yeux pour mieux s’imprégner du sujet. J’entends par là ressentir l’arbre qu’ils ont à l’esprit. Cet arbre est énorme, fort, d’une densité incommensurable, ils doivent en faire l’expérience dans leur corps. Puis ils ouvrent les yeux face au papier sur lequel ils vont exprimer (tracer) leur ressenti au rythme de leur expiration.
Vous travaillez avec des enfants de quel âge ?
J’ai la chance d’être présenté, pour la seconde année consécutive, par l’association Aveyron Culture à toutes les écoles du département. Cette année je vais poursuivre l’expérience « Traces Signes et Tags » avec 23 classes pour une douzaine d’écoles. Il s’agit d’un programme au cours duquel, outre une approche de la calligraphie classique, nous pratiquons avec des enfants de 5 à 11 ans l’écriture gestuelle du paysage en travaillant sur le souffle, sur la concentration, sur les perceptions et sur la présence à l’autre.
Quelle est la place de l’arbre et du paysage dans votre travail artistique ?
Je pense avoir commencé à expérimenter le travail sur l’arbre (en relation avec le souffle) avec mes élèves dans le cadre de l’association Mosaïque d’Espalion il y a une quinzaine d’années. C’est seulement 10 ans plus tard, en 2016 pour l’expo « Paysages intérieurs », que mes premiers travaux sur cette thématique ont émergé sous le titre « résilience ». Ensuite l’écriture de paysage se développe en 2018 au travers de l’exposition « Poésie d’Aubrac ». Mais je n’ai pas fini d’expérimenter car mon travail d’enseignement me nourrit énormément et j’ai le projet d’une prochaine exposition exclusivement dédiée à « l’arbre et son bois ».
L’arbre vous fascine à ce point ?
Je ne suis pas le seul ! Beaucoup d’artistes le sont aussi. Et plus généralement bon nombre de gens ayant conservé quelques parcelles de leur âme d’enfant seraient prêts à vouer un culte à l’Arbre. Car outre l’indéniable intérêt graphique qu’il représente, l’arbre reste le symbole majeur concernant le mystère d’une relation d’énergie entre ciel et terre. Il est aussi profondément représentatif de l’enracinement (comme image du poumon) et de l’inspiration (par sa ramure qui va capter l’énergie solaire). L’arbre est un sujet profondément spirituel. Bien qu’objet particulièrement opaque et dense, l’arbre ne cesse de nous parler de lumière … de sagesse. C’est sans doute là le propos de mon travail « Lumière n°6 » réalisé dans le cadre de l’exposition sur Frère Christophe 2017. Il s’agit d’une œuvre ou l’arbre, présenté comme une image en négatif, devient un vitrail dont le rôle est de transmettre la lumière.
Au cours de vos stages, et d’un point de vue pratique, comment abordez-vous la thématique de l’arbre ?
Il est difficile pour moi de répondre à cette question car j’ai pour habitude de ne pas trop programmer afin de mieux répondre à l’attente des stagiaires. La première démarche leur revient en ce sens qu’il leur faut au préalable rechercher le ou les textes (relatif à l’arbre) dans leur culture. Poésie, texte sacré, littérature, une bonne calligraphie va prendre racine dans un texte qui compte, un texte qui nous construit. Ensuite et seulement en vertu de ce préalable, je vais proposer plusieurs types d’écriture gestuelle qui permettront à chacun d’exprimer son ressenti de l’arbre. Mais je n’ai pas de démarche pédagogique toute faite. Chaque stage est différent et, tout compte fait, animé par l’esprit spécifique du groupe. En cela je ne m’ennuie jamais. Je suis toujours impatient de vivre chacune de ces nouvelles rencontres.
Donc pour 2020, combien de stage en prévision ?
Sans parler des stages programmés par différents collectifs, que ce soit à Albi, à Montauban ou au Monastier en Lozère, 6 stages sont d’ores et déjà planifiés en Aveyron au couvent de Malet. Le premier les 11, 12 et 13 févier, ensuite les 14,15 et 16 avril. 4 stages sont programmés sur la période de juillet et août (les informations sont à retrouver dans la rubrique « formation » de mon site atelier-calligraphie.fr) et 2 stages supplémentaires seront ultérieurement programmés pour l’automne 2020. Ceci fait une dizaine de stages pour cette année 2020.