A quoi la calligraphie peut-elle bien servir à l’ère du tout numérique ?
Je pense que de manière paradoxale l’ère du numérique va contribuer à promouvoir l’écriture manuscrite et ses vertus. En effet, la question se pose aujourd’hui de savoir si l’on peu se passer du stylo pour le remplacer par le clavier. Jamais autant d’études ne furent engagées à ce sujet. Bien que les résultats ne soient pas encore établis (les statistiques demandent toujours du temps), il est étonnant de constater que les grands décideurs de la « planète Numérique », je veux parler de la Silicon Valley (Adobe Systems, Apple, Google, Hewlett-Packard et j’en passe), placent leurs enfants dans des écoles sans informatique ! Je vous laisse méditer là dessus. D’autre part, les résultats de recherche en neuro-sciences démontrent clairement que taper un mot ou l’écrire n’ont pas du tout les mêmes incidences au plan cérébral et que l’écriture manuscrite s’avère déterminante quant à nos facultés cognitives.
Aujourd’hui l’informatique peut nous soulager de l’effort de l’écriture contrainte, les courriers administratifs et autres nécessités du quotidien. Alors l’écriture manuscrite devient un loisir lié au bien être.
Mais aucun mot ne suffit pour dire les bienfaits de la calligraphie. Tout le monde aimerait y toucher car chacun devine au fond de lui la plénitude ressentie lors de l’exécution du geste calligraphique. Nous avons tous l’intuition de cette immense satisfaction éprouvée au moment de tracer une élégante arabesque. Chacun a l’idée confuse de la petite jouissance provoquée par le bruit subtile de la plume sur le papier. Et qui n’a pas au fond de lui le sentiment de l’incommensurable valeur du temps réservé à tremper la plume ou le calame dans l’encrier (j’inspire), pour ensuite l’étendre sur le papier (j’expire). Personne n’ignore réellement ce que peut être d’offrir dans la force et la justesse d’un trait l’expression du maximum de soi-même.
Au delà du loisir, la calligraphie est une discipline, un art martial. Elle concerne le mystère du travail sur l’indicible essence de soi. La calligraphie est une voie qui ne se dit pas mais qui se trace et qui construit, qui édifie dans l’intérieur, au plus profond de l’être.